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Proposition de restitution de deux nasses de pêche par deux membres de l'association Cerda - Artisanat : Celiosalicos (vannier professionnel) et Vogiantios (archéologue, vannier amateur).

Le premier modèle, réalisé d'après un original découvert à Melz-sur-Seine (Seine-et-Marne), au bord d'un ancien méandre comblé de la Vieille Seine et dans un contexte d'habitat de La Tène moyenne, était sensiblement destiné à capturer les anguilles, voire des lamproies ou d'autres poissons.

Cette bourgne ou anguillère a été refaite d'après les indications fournies par différentes publications scientifiques. La matière première utilisée apparaît indéniablement comme une variété de saule, de la famille des Salicinées (Salix sp.). Il n'a pas été possible aux inventeurs de déterminer l'espèce de saule à laquelle il a appartenu, d'autant qu'il "s'agit de jeunes rameaux d'un ou deux ans, dont le bois n'est pas encore stabilisé et qui, de surcroît, se trouvait en définitive dans un mauvais état de conservation". Nous avons pris le parti de tresser la nasse dans la variété Salix alba L., déjà attestée en Gaule et encore bien présente en France. Sur l'objet original, les montants comme les brins n'avaient pas été dépouillés de leur écorce, aussi avons-nous choisi d'aller en ce sens et de conserver un osier brut.

Faute d'une vue latérale de la nasse originale, la nasse reconstituée ne mesure que 98 cm de longueur, pour 102 cm pour le mobilier archéologique. Le diamètre maximal au niveau de la panse atteint les 30 cm. Encore mouillée, la nasse pèse 3670 grammes. Le léger retrait que ne manquera pas d'occasionner le séchage de l'osier brut, se traduisant par une perte de poids et un relâchement du tressage, reste un problème mineur en l'état, puisque la nasse sera amenée à être fréquemment immergée. Gorgée d'eau, elle se maintiendra plus facilement serrée.

La nasse a été réalisée conformément aux informations les plus récentes de Raymond Tomasson. 14 montants, formant la charpente de la nasse, ont été fichés en terre (6 à 7 mm selon l'auteur, nous avons utilisé des brins très légèrement plus épais, environ 8 mm), technique encore employée jadis par le génie de l'armée dans la fabrication des gabions afin d'obtenir le grand cône par où pénétraient les poissons et dont l'évasement permettait l'absorption d'une grande quantité d'eau.

Sur cette structure ont été entrelacés des brins plus ou moins circulaires de 3 à 5 mm de diamètre. Sur l'artefact original comme sur la restitution que nous proposons (à la suite d'autres travaux de reconstitution, notamment ceux de Guy Barbier), les brins ont été glissés alternativement dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.

La technique employée pour la composition du premier cône est une clôture en super (un brin devant, un brin derrière). Une fois le goulet d'étranglement formé, les montants sont retirés du sol - leur extrémité, placée à l'intérieur de la chambre forme alors une série de pointes destinées à empêcher le poisson de sortir de la nasse. Les montants sont alors coudés et retournés, la souplesse de l'osier le permettant sans aucun artifice, afin d'épouser, presque parallèlement et à quelques centimètres de distance le premier cône. La forme du second cône est également elliptique, mais possède côté pointe un rétrécissement beaucoup moins prononcé que celui du goulet entre cône d'entrée et chambre du piège. Le travail extérieur a été réalisé en torche (deux brins devant, un brin derrière), en veillant bien à effectuer des reprises cime contre cime ou pied contre pied. Le travail s'avère relativement long (pour un premier essai réalisé par un vannier professionnel, compter 8/9 heures, hors préparation matérielle), en raison de la complexité du tressage. La récompense sera dans la solidité et la relative rigidité de l'ensemble, avec un maillage serré. La forme générale et les dimensions de la nasse ont été globalement respectées, même si l'absence d'un schéma latéral nous a fait cruellement défaut (seules des vues de trois quarts étaient disponibles et ne permettaient pas d'apprécier totalement le galbe de la nasse archéologique).

L'extrémité opposée au cône d'entrée des poissons a été terminée par un arrêt simple, rudimentaire, car aucune bordure ou fragment de bordure n'a été remarquée au cours de la fouille. Elle sera close par un bouchon en bois taillé à la hache et / ou par un bouchon végétal (touffe d'herbes ou de feuilles), faute de traces de moyens de fermeture identifiés (les inventeurs semblent exclure les bouchons en craie ou en céramique). Cette extrémité est d'un diamètre réduit, d'environ 7 cm. L'extraction du poisson devait se faire soit par basculement, soit par une petite main. Le lestage s'effectuera avec des pierres. Aucun flotteur n'a par ailleurs été identifié.

Si d'anciennes reconstitutions ont proposé, malgré son absence primitive, l'adjonction d'une petite poignée en osier vers le milieu de la longueur de la nasse, nous avons pris le parti de nous conformer aux vestiges archéologiques et de ne pas en munir la nasse. Une cordelette végétale sera employée afin d'amarrer la nasse.

Salix alba L., brut, diamètre 3 à 5 mm, perchette de 120 cm, notre allié du moment.

Salix alba L., brut, diamètre 3 à 5 mm, perchette de 120 cm, notre allié du moment.

14 montants en osier de 8 mm de diamètre et de 240 cm de longueur forment la charpente de la nasse. Les brins sont ici fichés en terre pour démarrer le travail en super.

14 montants en osier de 8 mm de diamètre et de 240 cm de longueur forment la charpente de la nasse. Les brins sont ici fichés en terre pour démarrer le travail en super.

Début du tressage en super.

Début du tressage en super.

Peu à peu, le goulet prend forme. Sur l'ossature constituée par les montants viennent s'enrouler suivant la méthode du super des brins de 3 à 5 mm de diamètre, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.

Peu à peu, le goulet prend forme. Sur l'ossature constituée par les montants viennent s'enrouler suivant la méthode du super des brins de 3 à 5 mm de diamètre, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.

La technique du "super".

La technique du "super".

La complexité de l'opération réside ici dans l'évasement, sur une partie relativement réduite. 22 cm de longueur, 7 cm de pointes y comprises.

La complexité de l'opération réside ici dans l'évasement, sur une partie relativement réduite. 22 cm de longueur, 7 cm de pointes y comprises.

Vue du goulet de la nasse n°1 une fois achevé. Pour sa réalisation ont été utilisés un sécateur et une batte, par commodité. Les équivalents sont un bon couteau et une... batte.

Vue du goulet de la nasse n°1 une fois achevé. Pour sa réalisation ont été utilisés un sécateur et une batte, par commodité. Les équivalents sont un bon couteau et une... batte.

Une fois le goulet achevé, le tressage est retiré du sol. Les montants sont alors coudés afin de commencer le travail de la lèvre, puis de la partie extérieure de la nasse.

Une fois le goulet achevé, le tressage est retiré du sol. Les montants sont alors coudés afin de commencer le travail de la lèvre, puis de la partie extérieure de la nasse.

Vue de ce qui se trouvera, à la fin, à l'intérieur de la nasse. On distingue bien les pointes au niveau de l'entrée du goulet. Ici, état lors de la réalisation de la lèvre de l'entrée de la nasse.

Vue de ce qui se trouvera, à la fin, à l'intérieur de la nasse. On distingue bien les pointes au niveau de l'entrée du goulet. Ici, état lors de la réalisation de la lèvre de l'entrée de la nasse.

Démarrage du second cône, à l'extérieur de la nasse, en employant la technique de la torche.

Démarrage du second cône, à l'extérieur de la nasse, en employant la technique de la torche.

La torche nécessite l'emploi conjoint de trois brins d'osier. Devant deux, derrière un.

La torche nécessite l'emploi conjoint de trois brins d'osier. Devant deux, derrière un.

La technique de la "torche".

La technique de la "torche".

Afin de faciliter le tressage, une petite ligature est réalisée avec un brin d'osier fin et souple, sacrifié à cet effet.

Afin de faciliter le tressage, une petite ligature est réalisée avec un brin d'osier fin et souple, sacrifié à cet effet.

Petit à petit, l'oiseau fait son nid ! Poursuite du travail en torche. Le rétrécissement, suivant en quelque sorte parallèlement la partie intérieure composée par le goulet, est une opération relativement délicate.

Petit à petit, l'oiseau fait son nid ! Poursuite du travail en torche. Le rétrécissement, suivant en quelque sorte parallèlement la partie intérieure composée par le goulet, est une opération relativement délicate.

Etat de la nasse n°1 après déjà quelques heures de travail. La vannerie est une activité pouvant se révéler extrêmement chronophage et ardue pour les articulations.

Etat de la nasse n°1 après déjà quelques heures de travail. La vannerie est une activité pouvant se révéler extrêmement chronophage et ardue pour les articulations.

On prendra soin d'employer l'un des principaux outils de l'atelier pour maintenir un écartement des pointes dans le goulet...

On prendra soin d'employer l'un des principaux outils de l'atelier pour maintenir un écartement des pointes dans le goulet...

Plus qu'un peu de tressage en torche, mais pas la partie la plus simple à réaliser, car les montants se resserrent progressivement pour arriver à une sortie de 7 cm de diamètre...

Plus qu'un peu de tressage en torche, mais pas la partie la plus simple à réaliser, car les montants se resserrent progressivement pour arriver à une sortie de 7 cm de diamètre...

Touche "finale" du tressage : la coupe des éléments qui dépassent...

Touche "finale" du tressage : la coupe des éléments qui dépassent...

Vue générale de la nasse n°1. Elle fait un peu penser aux vieilles bouteilles de Coca en verre... Les poissons malheureux entrent par le goulet, placé ici à gauche.

Vue générale de la nasse n°1. Elle fait un peu penser aux vieilles bouteilles de Coca en verre... Les poissons malheureux entrent par le goulet, placé ici à gauche.

Nasse n°2 en cours de réalisation. Le goulet est formé, le cône extérieur est démarré.

Nasse n°2 en cours de réalisation. Le goulet est formé, le cône extérieur est démarré.

Nasse n°2, presque au bout également... Même travail que pour la nasse n°1, sans l'étranglement dans la silhouette de la nasse n°1.

Nasse n°2, presque au bout également... Même travail que pour la nasse n°1, sans l'étranglement dans la silhouette de la nasse n°1.

Vue générale de la nasse n°2. Travail évidemment moins régulier que celui d'un vannier professionnel...

Vue générale de la nasse n°2. Travail évidemment moins régulier que celui d'un vannier professionnel...

Piège infernal pour la poiscaille ! L'entrée de la nasse n°2.

Piège infernal pour la poiscaille ! L'entrée de la nasse n°2.

Dans l’œil de l'anguille. Le jour correspond à la "sortie", qui sera évidemment obturée pour pêcher...

Dans l’œil de l'anguille. Le jour correspond à la "sortie", qui sera évidemment obturée pour pêcher...

La seconde nasse, plus courte (80 cm de longueur) et plus légère (2920 grammes), d'un diamètre maximal de 31 cm a été réalisée plus librement d'après la forme plus simple d'autres vestiges identifiés depuis la préhistoire jusqu'à très récemment. La méthode est sensiblement la même, toujours en vannerie pleine plutôt qu'à claire-voie. Le travail est donc plus fastidieux, mais plus solide. Une dizaine d'heures auront été nécessaires à sa réalisation par un vannier amateur. Le principe reste identique : le poisson, attiré par un appât, pénètre dans le goulet et se retrouve piégé dans la chambre. Un bouchon obture l'extrémité. Le goulet aux dimensions réduites est muni de pointes hérissées. Il ne lui est pas possible de s'échapper du piège. L'espèce pêchée ici n'est pas encore identifiée.

 

Vous pourrez accéder à quelques vidéos de la réalisation via la page associative sur Facebook :

https://www.facebook.com/Association-Cerda-Artisanat-530793510431590/

 

Pour toute reproduction d'une partie ou de la totalité de cet article, merci de nous contacter.

cerda.artisanat@gmail.com

Tag(s) : #Pêche, #Alimentation, #Vannerie
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