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La faux est certainement l’outil agricole traditionnel européen le plus connu et le plus familier. Que ce soit pour son rôle dans les champs ou à travers la figure de la Faucheuse, allégorie de la Mort.

Cet outil inventé durant le Second Âge du Fer, certainement au IIIe siècle avant notre ère, avait au départ une lame d’une trentaine de centimètres, soit deux fois plus petite que les faux modernes. Cette lame pouvait avoir une épaisseur allant jusqu’à 6 millimètres. La morphologie de la lame est très variable avec une courbure plus ou moins prononcée. Emmanchées grâce à une queue plate, droite ou ansée, munies parfois d’un ergot comme sur l’exemplaire que nous vous présentons ici, réplique d'un artefact original du site de La Tène (Neuchâtel, Suisse) sur lequel nous avons eu le loisir de nous pencher. Le manche peut être solidarisé avec la lame grâce à une virole ou des renforts (rivets, ailerons). Très peu d’exemplaires ont été retrouvés avec leur manche : le site éponyme de La Tène en a livré plusieurs, ceux-ci sont droits et mesurent en moyenne 80 centimètres de long. La faux « gauloise » ne correspond donc pas exactement à la faux médiévale et moderne caractérisée par un long manche muni d’une poignée perpendiculaire et par son angle marqué entre la lame et le manche.

L’utilisation de ces premières faux de l’Âge du Fer à la morphologie courte et épaisse n’est pas clairement établie : si les chercheurs s’accordent pour lui donner un rôle essentiellement destiné au bétail, on ne sait pas si c’est préférentiellement pour le fourrage ou pour la litière (paille). En revanche l’épaisseur de la lame la rendrait impropre à la récolte de l’herbe verte mais idéale pour les végétaux secs. Le fourrage a une importance toute particulière pour les troupeaux qui sont stationnés dans des régions enneigées où le besoin de faire des réserves est grand pour la période hivernale.

C’est la faucille qui est utilisée pour la moisson car elle permet de couper les tiges d’une main tout en tenant les gerbes de l’autre. La faux fait tomber les céréales au sol ce qui engendre des pertes de grains. Elle n’est utilisée qu’à partir de la fin du Moyen Âge pour la récolte des céréales, plus particulièrement l’avoine dont le grain est solidement attaché à la tige.

Si la faux a disparu de nos campagnes, elle revient peu à peu chez le jardinier amateur et pour l’entretien des zones vertes urbaines car elle est à la fois pratique, écologique, économique, silencieuse et emprunte d’une beauté "du" geste pluri-millénaire.

Cet outil a donc un rôle essentiel dans notre histoire – il concerne d'ailleurs une partie très importante de la population : les paysans gaulois... ces modestes (ou non?), ces « simples » que nous essayons de mieux connaître. Au sein de l'association Cerda – Artisanat, nous n'adoptons pas une démarche spectaculaire du passé, préférant le connaître de manière plus fidèle, plus représentative et certainement plus « monotone ».

Nous avons choisi de nous consacrer à l'étude de cet outil dans le cadre d'un travail collectif, le « Projet faux », initié en 2013 (nous l'avions déjà évoqué dans cet article en 2014), actuellement développé et que nous poursuivrons encore pendant un bon moment. Nous unissons nos forces : archéologues / chercheurs, manuels travaillant avec les plantes, artisans, etc. Ces recherches sont menées dans un but scientifique, par le biais de la méthode enrichissante qu'est l'archéologie expérimentale – qui diffère totalement des tests empiriques ou des expérimentations hasardeuses – croisée à d'autres méthodes (observations tracéologiques, réflexions ethnographiques, etc.). Nous posons donc évidemment un certain nombre de problématiques, établissons des protocoles d'observation, enregistrons nos résultats, etc.

L'attention se porte sur un certain nombre de points qui, nous l'espérons, amèneront peut-être à de nouvelles considérations sur les typo-chronologies élaborées jusqu'à présent dans la littérature spécialisée :

- la fabrication des différentes composantes de l'outil (manche, fer), les méthodes employées, les spécificités technologiques ;

- l'utilisation des différents types morphologiques de faux, les évolutions de l'objet ;

- l'entretien, la réparation de la faux ;

- les rôles de ces faux (fourrage, litière, nettoyage des fossés...), le type de végétaux fauchés ;

- l'apprentissage des différents gestes...

- etc.

Nous aurons l'occasion de vous reparler de ce projet.

En attendant, n'hésitez pas à visiter notre page associative sur Facebook.

Un exemple de faux reconstituée d'après l'artefact MAR-LT-16997 du site de La Tène.

Un exemple de faux reconstituée d'après l'artefact MAR-LT-16997 du site de La Tène.

Proposition de fixation : le manche est très légèrement affiné à son extrémité. Une perforation dans le bois permet d'y loger l'ergot. La queue est piégée par une ligature en fibre végétale, tendue par l'ajout d'une brindille de bois.

Proposition de fixation : le manche est très légèrement affiné à son extrémité. Une perforation dans le bois permet d'y loger l'ergot. La queue est piégée par une ligature en fibre végétale, tendue par l'ajout d'une brindille de bois.

Bibliographie pour commencer à aborder le sujet :

BERNIGAUD N. (2013) – Systèmes agro-pastoraux et utilisation de la faux en Dauphiné depuis le Second Âge du Fer, in P.-C. Anderson et al. (dir.), Regards croisés sur les outils liés au travail des végétaux, Antibes, éditions APDCA, p. 37-47.

BOUCARD D. (2006) – Dictionnaire des outils et instruments pour la plupart des métiers, Paris, Jean-Cyrille Godefroy, 740 p.

COMET G. (1992) – Le paysan et son outil : essai d’histoire technique des céréales (France VIII-XVe s.), Rome, Ecole Française de Rome, 280 p.

FERDIERE A. et al. (2006) – Histoire de l’agriculture en Gaule, Paris, Errance, 231 p.

GRANTHAM G. W. et al (1999) – La faucille et la faux, Etudes rurales, 151-152, p.103-131

MAHEO N. et al. (2014) – Les campagnes gauloises au fil des saisons, Amiens, Musée de Picardie, 93 p.

MARBACH A. (2012) – Catalogue et étude des faux et des outils agricoles de coupe à lame et à manche entiers en Gaule, Oxford, Achaeopress, 175 p.

NILESSE O., BUCHSENSCHUTZ O. (2009) – Les faux et la datation de l’outillage agricole des dépôts de l’Âge du Fer, in M. Honegger et al. (dir), Le site de La Tène : bilan des connaissances – état de la question, Neuchâtel, Office et musée cantonal d’archéologie, p. 157-165.

SIGAUT F. (2003) - La faux, un outil emblématique de l'agriculture européenne, in G. Comet (dir.), L’outillage agricole médiéval et moderne et son histoire, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, p. 281-295.

VERNUS M. (2005) – La Faux, de l’outil au symbole, Salins-Les-Bains, Musées des techniques et cultures comtoises, 68 p.

VOUGA P. (1923) – La Tène, monographie de la station, Leipzig, Karl W. Hiersemann, 168 p.

Cet objet, une fois aiguisé et monté sur son manche en frêne, est absolument exceptionnel à utiliser !

Cet objet, une fois aiguisé et monté sur son manche en frêne, est absolument exceptionnel à utiliser !

Tag(s) : #Agriculture, #Outillage, #Ethnographie, #Archéologie expérimentale, #Activités scientifiques, #Vie du groupe, #Alimentation, #Elevage
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