"Le torchis, c'est un truc boueux de hippie, c'est inefficace, laid et sale."
Nous tentons de démonter ce cliché trop répandu pour plusieurs raisons. Nous cherchons à représenter fidèlement comment vivaient les Anciens, que cela concerne des éléments a priori plaisants ou non. Nous ne sommes ni des nostalgiques, ni de rétrogrades idéalistes, mais juste des gens conscients que le passé peut nous éclairer sur certaines valeurs à cultiver à l'avenir. L'étude du passé peut apporter d'intéressantes pistes de réflexion ou d'action. Nous ne croyons pas que les Celtes étaient des écologistes avant l'heure (il suffit de constater certaines zones polluées au plomb par leurs activités sur quelques décennies pour se convaincre du contraire) et nous gardons bien d'idéologiser la protohistoire. Toutefois, nous constatons, dans nos vies modernes, que leurs constructions correspondent à certaines de nos aspirations personnelles en matière d'architecture ayant peu d'impact environnemental. Quand tout cela se réunit, tout en continuant de prêcher publiquement une vision objective et réelle, il est agréable de voir que nos activités s'harmonisent parfaitement avec nos convictions individuelles forcément subjectives.
Le torchis est une de ces méthodes de construction saine, rapide à mettre en œuvre, peu onéreuse, locale, respectueuse de l'environnement, efficace tant sur le plan phonique que sur le plan thermique... Le Progrès l'a relégué au rang des constructions paysannes, avec tout le dédain que cela suppose. Pourtant, ce matériau va revenir en force dans notre quotidien, d'une manière ou d'une autre.
Ici, ce pan a été réalisé avec un mélange de terre argileuse à argilo-sableuse, mêlée à de la paille concassée et légèrement fermentée et de l'eau. Tous ces ingrédients sont évidemment issus d'un circuit très court.
Cette pâte collante a été plaquée à la main sur une claie tressée avec des branches de noisetier et de saule. Après un premier temps de séchage assez long, eu égard à sa réalisation en période hivernale, des craquelures se sont formées. Les fissures ont été comblées par une seconde couche appliquée à la taloche, un outil connu à l'époque laténienne (étymologiquement, le nom est d'origine gauloise). Après un nouveau délai, une troisième couche, plus laiteuse, sous forme de barbotine, est venue obstruer les ultimes lézardes .
Les finitions ont été effectuées également en trois temps. Une première couche de badigeon à la chaux a été appliquée à l'aide d'un pinceau de paille et d'une petite latte en bois faisant office de spatule. Le soleil ayant fait son office, une seconde couche de lait de chaux, plus liquide, a été appliquée, lissée, pour obtenir une surface uniforme. C'est seulement après séchage de la totalité que les décorations ont été ajoutées.
Ces peintures sont réalisées dans deux matières employées dans les décorations architecturales laténiennes, attestées par différentes découvertes archéologiques en contexte d'habitat.
La partie supérieure présente une petite frise végétale, évocation d'un motif daté de La Tène C1 , réalisée à l'aide d'un pigment particulièrement onéreux (encore à notre époque) : le bleu d’Égypte. Ce pigment synthétique, produit en fondant un minerai de cuivre, des sables siliceux et des roches calcaires, a été retrouvé sur plusieurs fouilles archéologiques du Second Âge du Fer. Il viendrait, pour les cas qui nous intéressent, du nord de l'Italie. La recette de ce bleu clair artificiel s'est perdue au cours de l'Antiquité tardive, mais des recherches récentes ont permis de le retrouver. Il faut imaginer que certains aristocrates, surtout à la fin de l'indépendance gauloise, cultivaient la richesse au point de rehausser leurs façades de telles couleurs, visibles souvent de très loin... Le choix a été fait ici de tenter l'application à l'eau. L'eau vient rafraîchir la couche de lait de chaux et il s'agit en quelque sorte... d'une fresque.
Tout comme la partie supérieure, la partie inférieure présente un motif de la seconde moitié du IIIe siècle avant notre ère, retrouvé sur un fourreau d'épée. Si cet art était peut-être exclusif à la sphère martiale, il reste une évocation plausible dans le cadre de la suggestion de la demeure d'un aristocrate, sans doute amené à porter les armes. Quoi qu'il en soit, le pigment employé est cette fois totalement naturel. Il s'agit d'ocre rouge, soit une terre argileuse et sableuse colorée par des oxydes de fer rouges (hématite). Cette matière colorante, bien présente sur le territoire français actuel, est employée depuis le Paléolithique. Pour l'anecdote, elle peut également s'obtenir artificiellement en calcinant de l'ocre jaune (goethite), mais ce n'est pas le cas ici. La couleur est appliquée à la graisse animale.
Un petit volet, sans fenêtre, est aménagé sur ce mur, afin d'apporter un peu de lumière à l'intérieur de l'édifice. Des aménagements de ce type sont plausibles, quoique sans doute peu fréquents.
Nous nous plaisons à imaginer l'intérieur de cette demeure sans doute caractéristique de couches plus aisées de la population gauloise : tentures, peintures, vaisselle de prestige, objets luxueux...
Nous rappelons que notre objectif, avec ce type de réalisations, est surtout de servir de support pédagogique.
N'hésitez pas à suivre notre travail par le biais de notre page associative sur Facebook : https://www.facebook.com/Association-Cerda-Artisanat-530793510431590/?fref=ts