Deux des membres de Cerda - Artisanat, archéologues, utilisent peu ou prou dans leurs recherches scientifiques la méthode de la tracéologie ou analyse fonctionnelle. Elle consiste à déterminer la fonction des artefacts par l'étude des traces produites par leur usage. La tracéologie fonctionne souvent de pair avec l'archéologie expérimentale, une autre méthode scientifique. La méthode est contagieuse et nous avons tendance à y prêter attention, même dans le cadre des activités de reconstitution protohistorique.
Dans ce cadre, en effet, comme d'ailleurs lors des expériences scientifiques, elle peut être employée "à contresens". En d'autres termes, il est possible d'utiliser des répliques d'objets (par exemple des outils) et d'observer les traces qu'ils produisent à l'usage.
En sus des apports d'ordre technique ou technologique ("comment est fait un objet ?"), y prêter attention invite à la rigueur dans la réalisation de répliques. Ce sont ces petits "détails" qui font les belles reconstitutions.
Voici un exemple parlant, concernant le travail du bois. Nombre de nos confrères reconstituteurs font le choix de fabriquer et/ou d'acquérir des objets d'une grande qualité esthétique, mais correspondant à nos critères de finitions contemporains. En ce qui concerne l'association Cerda - Artisanat, nous prenons le parti d'approcher le passé sous un angle moins émotionnel, en faisant fi de nos propres perceptions esthétiques. Nous pouvons évidemment trouver un objet "beau", mais l'idée est plutôt de le réaliser dans l'esprit "originel", qui prévalait à l'instant T de la culture matérielle reconstituée.
Ainsi, par exemple, si l'étude d'un bouclier laténien indique qu'il était réalisé de deux ais contigus fendus, nous nous contenterons de fendre un quartier de grume et ne repasserons pas dessus avec une ponceuse électrique pour lui donner un grain correspondant à nos finitions actuelles.
De même, s'il s'agit de retirer de la matière sur un morceau de bois quelconque. Si l'on observe l'équarrissage des poutres, encore dans les charpentes anciennes de certaines de nos maisons construites depuis le Moyen Âge, on se rend compte qu'elles présentent nombre d'imperfections. Outre leur forme générale, on peut y lire fréquemment, qui un coup de hache, qui une trace produite par une herminette, qui un impact de ciseau à bois...
Pour donner un exemple concret, voici une planche de tilleul creusée en utilisant deux types d'outils. Les traces ne sont ici volontairement pas gommées par d'autres méthodes "anciennes", ne serait-ce que par les finitions avec le même outillage, de façon à exagérer le trait et faire comprendre le propos.
A gauche, les traces laissées par l'ensemble hache-herminette. A droite, les traces laissées par l'ensemble ciseau-gouge.
Sur la gauche, on peut voir les traces produites par l'emploi d'une hache à douille, facilement convertible en herminette (en coulissant le fer sur le coude du manche), d'un tranchant d'environ 8 cm de longueur. Les coups sont donnés soit frontalement (en mode "herminette"), soit latéralement (en mode "hache").
Sur la droite, on distingue les traces imprimées par l'emploi d'un jeu de gouges et ciseaux à bois d'un tranchant d'environ 1,5 à 2 cm de longueur. Les coups sont donnés indirectement à l'aide d'un maillet de bois.
Les traces ne présentent évidemment pas du tout le même aspect. Les contraintes imposées au matériel ne sont pas les mêmes. Le temps de travail est différent. La précision du geste varie. Dans ce cas, l'ensemble ciseau-gouge est plus précis, mais bien plus chronophage. A contrario, l'ensemble hache-herminette, s'il est plus expéditif, demande une grande maîtrise et comporte une plus grande marge d'erreur.
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